samedi 24 août 2013

Vacances scientifiques: Une visite du synchrotron Australien !



Ah les vacances ! Le Soleil, la plage, les... Accélérateurs de particules ? Et oui, cette année, j'ai décidé de bronzer aux rayons X, car grâce à mon labo génial à Melbourne, j'ai eu la chance de pouvoir visiter, entre deux séminaires d'astrophysique, le "célèbre" synchrotron Australien ! Alors accrochez-vous à vos blouses blanches, car je vous propose une plongée exclusive au cœur du monde de la recherche !

Attends attends... Le Saint Croûton ?

Ah, alors oui il faudrait peut être que je commence par là. Tout d'abord un petit point de physique, c'est toujours bien à placer dans les conversations mondaines :

Quand on plonge une particule chargée (comme un électron ou un proton) dans un champ électromagnétique, sa direction et sa vitesse sont modifiées: le champ Électrique accélère le mouvement de la particule, et le champ Magnétique dévie sa trajectoire. Mais il se trouve que, lorsqu'un électron est accéléré, il émet de la lumière ! En particulier, si on oblige notre particule à faire des tours de terrain pas trop rapidement sur un cercle, celle-ci va rayonner dans toutes les directions et d'une seule longueur d'onde. Par contre, si on l'accélère à des vitesses démentielles sur ce même cercle (et par démentielles j'entends proches de la vitesse de la lumière), un effet bizarre de la relativité restreinte (que je ne vais pas détailler) va faire en sorte que les grains de lumière rayonnés par l'électron, au lieu de s'éparpiller partout, seront émis dans la direction de sa trajectoire, dans un cône de lumière dont l'ouverture sera d'autant plus petite que l'énergie de la particule sera grande. Ce rayonnement, on l'appelle (TIN TIN TIN) le rayonnement synchrotron !
Et donc un Synchrotron (la machine), c'est un grand accélérateur de particules, à peu près de la taille d'un terrain de football, qui va utiliser les propriétés de ce rayonnement pour faire des trucs trop stylés. C'est pas aussi énorme qu'un LHC, mais c'est quand même bien Badass !

Hmm je vois, mais concrètement, il marche comment ton Synchro Tronc ?



Un synchrotron fonctionne en 3 grandes étapes, que j'appelle sobrement le Bang, le Woosh Woosh, et Nioon.

Le Bang: C'est tout bêtement un gros canon qui vomit des paquets d'électrons. Bourrin, mais efficace.
Le Woosh Woosh: Les électrons émis par le canon arrivent dans un anneau Booster qui va, comme son nom l'indique, accélérer à mort tout ce qui se trouve dedans.
Le Nioon: A ce stade, les électrons vont tellement vites que si on les relâchait dans la nature, il pourraient faire 7 FOIS LE TOUR DE LA TERRE EN 1 SECONDE. Oui. Ça calme. Heureusement, on les relâche seulement dans un plus grand anneau, dit "de stockage", où des aimants placés à intervalles réguliers forcent les particules à suivre une trajectoire circulaire, en libérant un rayonnement synchrotron au passage. Ces rayons sont capté dans les bras de l'anneau, qui sont autant de laboratoires qui les utilisent pour des expériences variées.

C'est bien beau mais ça sert à quoi un Sein Gros Thon? 

Ah, excellente question! Eh bien disons qu'on peut voir ce gigantesque canon à patates comme un microscope extrêmement puissant. En effet, il existe en microscopie une loi (la loi d'Abbe-Zeiss) qui indique que la distance entre 2 objets doit être supérieure à un tiers de la longueur d'onde pour qu'ils soient distinguables. Donc en théorie, plus la longueur d'onde est courte, meilleure est la résolution !

Et vois-tu, le rayonnement synchrotron couvre pas mal de longueurs d'ondes, de l'Infrarouge aux rayons Gamma, mais il est particulièrement utilisé dans la gamme des Rayons X. Pourquoi? Parce que son intensité est phénoménale. A côté, les rayons X utilisés dans les hôpitaux, c'est peanuts ! On parle ici d'un rayonnement 1 MILLION DE FOIS PLUS LUMINEUX QUE LE SOLEIL.


Ce genre d'intensités nous donne accès à des zooms extrêmement puissants (x1 Million) et nous permettent d'imager les atomes individuels d'une molécule ! Et les domaines d'applications sont innombrables: de la recherche contre le cancer et le diabète à la création d'énergies non polluantes, en passant par le développement d'un œil bionique, l'étude des fossiles, de nouvelles techniques d'imagerie 2D et 3D, une meilleure compréhension de la matière au niveau atomique etc, etc...

Aujourd'hui les synchrotrons c'est plus de 70 installations dans le monde, dont 2 en France: SOLEIL à Saclay et l'ESRF à Grenoble (cocorico !).

Oui bon blablabla... Et sinon, tu nous la racontes ta visite?

Je digresse, je digresse. Mais c'est pas une raison pour être aussi peu révérencieux.

Notre visite commence dans un grand bâtiment blanc immaculé, du genre ultramoderne et pas facile à nettoyer. Nous y rencontrons Jeff, personnage antipathique qui va nous guider à travers les méandres de l'immense laboratoire. En guise d'introduction, Jeff nous annonce que, comme nous sommes le dernier groupe et qu'il n'a pas de temps à perdre, il va écourter notre visite. Ambiance. Il nous regroupe ensuite face à une grande maquette de l'installation, pour nous expliquer dans les grandes lignes le principe du synchrotron ainsi que l'agencement du lieu. Avant de pénétrer dans l'enceinte du bâtiment, chaque personne reçoit un badge de visiteur. Notre guide, lui, se munit d'un petit dosimètre qui mesure passivement le taux de radioactivité en cas d'accident majeur. Rassurant.


 Puis nous sommes conduits dans le fameux bâtiment où la science se fait. A l'accueil, une dizaine d'horloges indique les heures du monde entier. Il y a même un magasin de goodies ! Si jamais il vous prend l'envie soudaine d'acheter des boules anti-stress aux couleurs de votre synchrotron préféré, c'est ici qu'il faut vous rendre. Sur le mur, une carte du monde criblée de centaines de punaises sur différents pays célèbre le côté international de la recherche.


En pénétrant dans l'immense salle circulaire on a l'impression d'avoir infiltré un repère de méchant de James Bond. Imaginez une gigantesque usine bourrée de tours informatiques, de millions de câbles enchevêtrés et d'azote liquide qui fume. Des containers disposés un peu partout sont les refuges des expériences en cours. Vous sentez cette odeur ? C'est l'odeur de la SCIENCE.


En m'approchant d'un container, je remarque qu'une expérience impliquant des radiations dangereuses a lieu en ce moment même. Je ne m'en approche pas plus...


Nous continuons tranquillement la visite, quand soudain... Là ! Au milieu d'un espace dégagé gît un prototype d'aimant utilisé dans l'anneau de stockage ! Je résiste à l'envie pressante d'y plonger la tête, idée en partie réfrénée par l'ensemble des astrophysiciens VIP qui nous accompagnent... Sur l'écriteau qui accompagne la machine, on peut lire: "Les grands aimants jaunes forcent les électrons à tourner, créant de la lumière de forte intensité. Les aimants verts et rouges, plus petits, servent à concentrer et à orienter les électrons."



Des écrans de contrôle sont disposés à intervalles réguliers tout autour de la salle. Ils donnent des informations sur l'accélération en cours, et sont trop classe.


On a beau dire que ça fait cliché, mais la blouse blanche et les lunettes de protection, ça en jette. Aussi, les minions !


Le physicien dans son habitat naturel. Notez le regard sérieux et attentif du chercheur sur facebook en plein travail.. Il n'est pas conseillé de taper sur la vitre ou de lui jeter de la nourriture, cela pourrait l'effrayer...



Nous avons presque terminé la visite. Jeff en a tellement marre de nous qu'il est parti voir un autre groupe et nous laisse avec une autre chercheuse, beaucoup plus souriante et enthousiaste. Elle nous amène devant un magnifique... Truc ? Alors je suis désolé, mais je ne me souviens plus exactement de ce que c'est, mon attention ayant dérivé sur le fait que cet engin ferait fureur dans un film de science fiction... Personnellement, je penche pour un microscope électronique, mais si vous avez une meilleure idée merci de m'en faire part. Notez l'enrobage copieux de la machine dans du papier alu, le meilleur ami du physicien expérimental, qui lui sert de barrière pas chère à la lumière ambiante, dont les instruments sont très sensibles.


Cet engin clôture donc notre visite, et nous sommes gentiment reconduits à l'accueil, où l'exposition d'art moderne la plus bizarre du monde nous attend. Nous ressortons sous le Soleil australien, des électrons pleins la tête, plus que jamais convaincus de l'apport direct de la recherche fondamentale à la société...


J'ai fait tout ce que tu voulais, tu peux me détacher maintenant?

Ah mais attends, je ne t'ai pas encore parlé de ma visite du Musée de Melbourne, et de sa fantastique collection exhaustive de cailloux du monde entier !

NNNOOOOOOOON !...

jeudi 8 août 2013

L'univers comme vous ne l'avez jamais vu !


   Dans le Petit Prince, Antoine de Saint-Exupéry nous apprend que « l'essentiel est invisible pour les yeux ». Une maxime d'une portée telle qu'elle peut à elle seule résumer notre quête pour comprendre l'univers qui nous entoure.

Pendant près de 3,8 milliards d'années, la vie sur Terre s'est développée autour du Soleil, une étoile de taille moyenne rayonnant dans tout le spectre électromagnétique, mais pas de manière égale: son maximum d'émission se situe dans le vert. 
Pour cette raison, nos yeux, véritables caméras destinées à concentrer la lumière et à la convertir en signaux électriques interprétables par le cerveau, ont évolué de manière à détecter principalement ces longueurs d'onde, où l'énergie est en abondance. Pour l'Homme, le domaine du visible se situe entre 400 et 800 nanomètres, et nous percevons la couleur verte mieux que toutes les autres. Mais alors, vous me dites, pourquoi le Soleil nous apparaît-il jaune, et pas vert ?
Tout d'abord, petite correction: depuis l'espace, le Soleil apparaît complètement blanc ! Car même si plus d'énergie est émise dans le vert, les photons* de toutes les couleurs nous parviennent tous en même temps ! Mais sur Terre, c'est une autre histoire. En cognant sur les molécules d'air de l'atmosphère, les photons
 sont absorbés puis réémis dans toutes les directions et ce de manière sélective: les photons de courte longueur d'onde (plus bleus) sont d'avantage déviés que les photons de grande longueur d'onde (plus rouges). Ce phénomène, couplé au fait que notre cerveau réalise la synthèse de toutes les couleurs qu'il voit, donne non seulement au ciel sa couleur bleue, mais aussi au Soleil sa teinte jaune!

 *des petits paquets d'énergie qui constituent la lumière au niveau fondamental

 
Mais l'univers est bien plus riche que nos sens ne nous permettent de percevoir ! Le domaine du visible ne représente en effet qu'une infime fraction de la totalité du spectre électromagnétique.

 

D'autres espèces se sont bien sûr adaptées à vivre dans des environnements qui les ont poussés à exploiter d'autres domaines de longueurs d'ondes ou même d'autres propriétés de la lumière. L'exemple le plus impressionnant en est certainement la squille, ce petit crustacé multicolore d'une vingtaine de centimètres que l'on peut trouver dans l'océan Pacifique et Indien. Chef d’œuvre de la nature, celle-ci possède un champ de vision qui s'étend à l'ultraviolet et à l'infrarouge, des yeux dont chacun est capable de voir en 3 dimensions indépendamment de l'autre, et qui peut s'orienter, à la manière des abeilles, en détectant la direction des oscillations des ondes lumineuses !

 
Mais grâce aux télescopes, l'Humanité est bien la première espèce à pouvoir étaler son champ de perception à tout le spectre électromagnétique. Nos radiotélescopes scrutent les confins de l'univers, à la recherche des astres les plus étonnants: des pulsars, ces étoiles en fin de vie en rotation extrêmement rapides, aux noyaux actifs de galaxies, les objets les plus lumineux de l'univers. Grâce à eux, nous savons à présent que nous baignons tous dans la lumière rémanente du Big Bang, et nous étudions en détail les gigantesques nuages d'hydrogène qui donnent naissance aux étoiles.

L'astronomie infrarouge nous permet (entre autres) de sonder l'intérieur même des nébuleuses, complètement opaques dans le visible à cause de l'absorption de la lumière par les poussières interstellaires, révélant ainsi les étapes clés de la formation des étoiles.

Quant aux rayonnements les plus énergétiques, comme les rayons X ou Gamma, ils sont pour la plupart absorbés par les molécules de l'atmosphère et n'atteignent pas le sol. Alors, pour scruter les événements les plus violents de l'univers, nous devons envoyer nos instruments dans l'espace.


 
Ces prothèses mécaniques nous permettent d'assister en direct à la mort des étoiles massives, qui prend forme dans une explosion cataclysmique, plus brillante qu'une galaxie toute entière. Nous découvrons de gigantesques jets de particules dans l'axe de rotation des pulsars, où la matière est éjectée à plus de la moitié de la vitesse de la lumière. Nous analysons en détail les éruptions solaires, responsables des aurores boréales et australes, et dont chaque panache gazeux projeté par notre astre pourrait à lui seul contenir plusieurs fois la Terre

Les images qui nous parviennent de ces télescopes révèlent un univers d'une stupéfiante complexité, en constante évolution, mais surtout d'une extraordinaire beauté. Le résultat d'un long travail de traitement d'images, impliquant souvent de superposer l'invisible et le visible, rendant l'imperceptible perceptible, élevant les astronomes au rang d'artistes dont l'univers est la toile.

 
Mais alors, quel univers verrions-nous si nous pouvions balayer l'intégralité du spectre électromagnétique ?
C'est la question que je vous propose d'explorer, à travers une série de GIF animés réalisés par votre serviteur (et pouvant être utilisés sans modération, vous avez ma permission ;p), à partir des images de l'excellent site Cool Cosmos.

 La galerie se trouve ici: L'essentiel est invisible pour les yeux

  La Voie Lactée, notre galaxie
Keep looking up !